Gilbert Fiaschi

Le 20 juillet 1962,
Sur la route entre Marceau et Cherchell
Témoignage de son fils, Jean-Marc Fiaschi.
Je m’appelle Jean-Marc Fiaschi, fils aîné de Gilbert Fiaschi, disparu à l’âge de 42 ans et voici le récit du drame qui a bouleversé la vie de notre famille. J’avais à l’époque 14 ans, ma soeur 8 et mon frère 6; nous vivions avec nos parents et notre grand-mère paternelle dans l’exploitation viticole familiale à Marceau où la famille Fiaschi s’était installée au début du siècle (en 1900).
Après le départ de l’armée française en mars-avril 1962 et de la plupart des ressortissants français habitant Marceau, nos parents décidèrent de se mettree à l’abri à Alger car il paraissait qu’en ville les risques étaient moindres. Les attebtats se multipliaient à l’approche de l’indépendance, il était préférable pour nous, les enfants, de regagner la France, accompagnés de notre grand-mère. Aussi le 17 juin 1962, nous quittions l’ Algérie, laissant nos parents pour s’occuper des propriétés de Marceau, avant de nous rejoindre à la fin de l’été, les vendanges terminées et pourquoi pas, disait notre père, rentrer chez nous, si la sécurité en Algérie le permettait. Ainsi donc, mon père faisait une fois par semaine le trajet entre Alger et Marceau pour l’organisation du travail hebdomadaire et la paye des ouvriers agricoles, jusqu’au jour du 20 juillet où, après avoir déjeuné chez nos parents les Turbessi (derniers Français à avoir quitté le village), il devait rejoindre Cherchell faire une visite à d’autres parents, les Franzini et rentrer en fin d’après-midi à Alger où notre mère l’attendait. Voyant les heures passer, l’inquiétude s’installer, après l’échange de plusieurs coups de téléphonen tous se sont rendus à l’évidence du drame qui venait de nous arriver, avec l’enlèvement de notre père entre Marceau et Cherchell où sa trace a disparu. Notre mère, de son côté, après avoir signalé la disparition et porté plainte pour enlèvement auprès des autorités algériennes, après avoir demandé audience auprès des chefs du gouvernement en place… Sans suite… Elle a alerté la Croix-Rouge, espérant quelques nouvelles… Mais rien n’a abouti.
Notre grand mère paternelle, mise au courant de l’enlèvement de son fils, est rentrée en Algérie jusqu’au village Marceau pour essayer d’avoir quelques renseignements auprès des dirigeants fellaghas (que par ailleurs nous connaissions bien étant des habitants du village) ; ceux-ci, apparemment désolés et honteux, lui ont dit que malheureusement ils ne pouvaient rien face à des bandes rebelles incontrôlées sévissant dans la région.
Se sentant abandonnées et ne pouvant plus rien faire, devant le mutisme des autorités algériennes, notre grand-mère, puis, quelques mois plus tard, notre mère sont rentrées définitivement en France.
Pendant de nombreuses années, l’espoir nous a aidés à vivre, espérant le jour heureux de revoir notre père parmi nous ; on disait à l’époque qu’il existait des camps de prisonniers français dans le sud algérien… puis, plus rien, le silence… et la vie a continué sans reconnaissance, sans deuil, avec le souvenir de ces tristes moments que nous seuls savons, pour les avoir vécus et qui, 42 ans après, nous laissent une blessure gravée pour toujours dans notre mémoire.
Gilbert Fiaschi, 42 ans

Gilbert Fiaschi

Les témoignages :