Sur la route entre Laghouat et Boufarik
Témoignage de son frère Jean Chillaud.
Né le 31 janvier 1926 à Alger, surveillant général du lycée de Boufarik depuis cinq ans ; a été enlevé le 30 juillet 1962, alors qu’il revenait de Laghouat.
Parti à 5 heures du matin, il n’est jamais arrivé à Boufarik. Il était seul à bord de sa voiture Peugeot 403, immatriculée 49 LD 9 A, couleur crème.
Il avait été invité à Laghouat par un agent du lycée de Boufarik en congé, M. Ahmed Kabara, à l’occasion d’une fête, pour la naissance de son quatrième enfant, un garçon.
Nous nous sommes adressés à différents organismes, consulat, Croix-Rouge, Secours Catholique, Comité de Sauvegarde, ambassade de France, afin de le faire rechercher. Un télégramme a été envoyé au ministre de l’Éducation nationale. Tous ces organismes ne nous ont pas répondu.
Par des musulmans pouvant avoir des contacts avec les Wilayas 3 et 4, nous avons appris sans aucune preuve qu’il était vivant. On nous a même donné les noms des camps où il pouvait être détenu : Djebel Blidéen, Lamartine, Boghari (environs) ; en dernier lieu, il y a quelques jours, Rouïba ou ses environs. On a même précisé que, très souvent, il n’y a pas de camp officiel et que les prisonniers sont répartis dans des fermes. Nous réclamons l’intervention de la Croix-Rouge Internationale. Le prisonnier a une très grave maladie de reins et il est astreint à un régime assez sévère et à beaucoup de repos. Le manque de soins et la rude vie qu’il doit mener mettent sa vie en danger. Nous faisons aussi remarquer qu’il était volontaire pour rester à son poste en Algérie et que son frère aîné (dans l’enseignement primaire), a répondu à l’appel lancé aux instituteurs et a repris son poste dès la rentrée d’octobre aux classes d’application de l’École normale pour aider à la formation de nouveaux normaliens. Le disparu allait souvent à Laghouat et quand il en revenait, il avait l’habitude de s’arrêter à Blida dans la famille Derdour, pour y prendre son repas avant de revenir à Boufarik. Mme Derdour, pourrait faire savoir si le 30 juillet dernier, M.-Claude Chillaud s’est arrêté chez elle. Mlle Derdour, sa fille, travaille dans un hôpital comme infirmière à Blida ou à Joinville. Cette demoiselle pourrait faire savoir aussi si une horrible machination contre le disparu ne l’aurait pas fait interner à Joinville.
M. Claude Chillaud a beaucoup aidé pécuniairement les parents de Kabara, auxquels il rendait visite très souvent. Ces derniers pourraient aussi donner des renseignements si le consulat ou tout autre organisme important intervenait auprès des autorités algériennes, pouvant interroger toutes ces personnes…
Lettre écrite par M. Ernest Chillaud d’Alger, à M. Joxe, ministre des Affaires algériennes à Paris, le 10 décembre 1962.