L’administration de l’Algérie est confiée à des généraux-gouverneurs. Leur tâche s’avère d’autant plus difficile que le pouvoir central change quatre fois de nature (deux types de monarchie, une république et un empire. Il leur est donc difficile de suivre une vraie ligne directrice de politique générale qui n’existe pas vraiment.
Les gouverneurs s’efforcent d’administrer deux entités distinctes :
-La communauté européenne, elle-même composée d’un nombre important d’étrangers, suivant un découpage « à la métropolitaine » (départements, arrondissements et communes)
-Les communautés indigènes, en s’appuyant sur ce qui subsiste d’une organisation turque rudimentaire ( khalifes, bachagas, aghas…) L’unité administrative locale qui demeure la tribu (autorité d’un caïd disposant pour le maintien de l’ordre de mokhaznis ou de spahis indigènes). Les impôts traditionnels sont maintenus.
Bientôt, afin d’assurer une meilleure administration au plan local sont créés les « bureaux arabes » composés d’une dizaine de personnes dont trois musulmans : un khodja (secrétaire), un chaouch (employé), un interprète. La direction des bureaux est confiée à des officiers appartenant à l’élite de l’armée. Un conflit va bientôt naître de cette situation des européens reprochant aux officiers des bureaux arabes de prendre systématiquement fait et cause pour les populations indigènes.
La justice musulmane est maintenue au civil et au commercial avec un découpage en 123 circonscriptions (mahakma ou djemaa en Kabylie). La justice est rendue par le cadi assisté de deux  adel  et un greffier . Au pénal la justice relève des tribunaux français.
Avec l’arrivée de Napoléon III aux affaires se pose enfin la question de l’avenir de l’Algérie. Doit-elle être bipartite ou totalement assimilée ? L’empereur rêve d’un « Royaume arabe » en équilibre sur une occupation française restreinte. Ironie de l’Histoire, les populations indigènes qui ne développent aucun sens national, et pour cause, mais un farouche individualisme millénaire, redoutent par-dessus tout un « royaume arabe uni ». Lorsque le senatus consulte du 14 juillet 1865 leur offre d’opter en faveur des droits des citoyens français mais aussi des devoirs qui s’y rattachent, elles préfèrent le maintien du statuquo et l’application de la loi musulmane
« L’indigène musulman est français : néanmoins il continue à être régi par la loi musulmane .Il peut être admis à servir dans les armées de  terre et de mer .Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils, il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits des citoyens français ; dans ce cas, il est régi par les lois civiles et politiques de la France. »
Ainsi par ce texte l’Indigène est devenu Français et lui est offerte la possibilité d’acquérir ce que les juristes qualifient « d’augmentation de capacité » et qui en fait un citoyen. Mais pour acquérir cette qualité il doit accepter de ne plus être régi par le droit coranique.
Malgré une procédure simplifiée pour l’obtention du plein statut de citoyen français, les populations musulmanes refuseront cette voie. Les responsables religieux assimileront pareille   démarche à une véritable apostasie. Ainsi dans les cinq années suivant la promulgation du senatus consulte, 250 personnes seulement demanderont l’application de cette disposition. En 1900 on recensera 1151 bénéficiaires de la citoyenneté. L’immense majorité musulmane préférera « le statut personnel » qui conditionnera sa situation personnelle, administrative et politique. De fait le senatus consulte restera en vigueur jusqu’au 7 mai 1946.
Ce choix presque unanime est dicté par la crainte de perdre le bénéfice de coutumes auxquelles l’indigène est attaché mais aussi par celle d’être rejeté par son milieu familial et social mais encore par celle d’être astreint à certaines obligations ou interdits qu’il juge insupportables.
Où se situe donc cette frontière qui sépare les avantages du « statut personnel » de ceux de la pleine citoyenneté française ? Premier impact déterminant : l’abandon du droit coranique de la famille. La vie de famille relève de la loi religieuse musulmane qui consacre la polygamie, le droit de concubinage du chef de famille avec les servantes, le droit de correction corporelle du mari sur ses femmes et de répudiation de celles-ci, le droit de contrainte matrimoniale du père sur ses enfants mineurs. Le premier mariage est un contrat civil passé entre les pères ou tuteurs des fiancés. Seul point favorable à la femme musulmane : elle peut faire valoir elle-même ses biens propres et à disposer de ses revenus, ce qui reste toutefois dans l’immense majorité des cas, un droit virtuel. La femme musulmane n’acquiert en fait la liberté juridique que lorsqu’elle devient veuve. En fait, le chef de famille est le maître absolu et il entend le rester, d’où sa réticence à devenir justiciable du droit civil français.