MARSEILLE
Maison des Rapatriés
12 novembre 2005

Les Français d’Algérie: du rejet à l’effacement. Quelles images pour un mémorial ?

32ème Congrès national du Cercle Algérianiste


Le Cercle algérianiste pour son 32e congrès et La Maison des Rapatriés de Marseille ont organisé conjointement une réunion publique sur le thème : Les Français d’Algérie: du rejet à l’effacement. Quelles images pour un mémorial ?

Samedi 12 novembre

9h00 : Accueil des participants.
9h15 : Ouverture de la réunion publique par André Ordinès, président de la Maison des Rapatriés de Marseille et Jean‑Louis Hueber, président du Cercle algérianiste de Marseille.

9h30: Projection du document sur le thème de « L’effacement ».

Le silence sur les Disparus, l’abandon des cimetières et des monuments, le problème des archives, nos difficultés avec l’État civil ont‑ils jalonné une stratégie de l’oubli.

10h00 : Conférence à deux voix « Du rejet à l’effacement » avec la participation de Geneviève de Ternant, écrivain, auteur de « l’Agonie d’Oran » et Henri Martinez, écrivain, auteur de « Et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine ».

11h00 : Débat avec la salle.

12h10 : Proclamation du prix littéraire algérianiste « Jean Pomier » 2005.

12h30 : Intermède déjeuner.

14h30 : Reprise des travaux.

14h35 : Proclamation du prix universitaire « Jeune Algérianiste » 2005.

14h45 : « L’envers et l’endroit » (dialogue en scène). Le Mémorial va‑t‑il se réaliser avec ou contre les Français d’Algérie? Arguments et contre‑arguments.

15h15 : « La neutralité: bonne raison ou mauvais prétexte? ». Intervention d’Évelyne Joyaux, présidente du Cercle algérianiste d’Aix‑en-Provence, nommée au Conseil Scientifique du Mémorial d’Outre‑Mer. « Les Rapatriés ont été écartés de la conception du Mémorial. Leurs images et leur collaboration effective étaient‑elles nécessairement incompatibles avec la raison et le respect de la vérité historique? ».

15h45 : Débat sur le thème « Pourquoi l’histoire de la colonisation est‑elle source d’indignations sélectives? » avec Jean‑François Mattei, membre de l’Institut Universitaire de France, professeur à l’université de Nice Sophia‑Antipolis, auteur de l’ouvrage « De L’indignation » (éd. de la Table Ronde).

16h45 : Débat avec la salle.

17h30: Intervention d’André Ordinès, président de la Maison des Rapatriés de Marseille.

17h40 : Intervention de Thierry Rolando, président national du Cercle algérianiste.

17h50 : Intervention du représentant de l’État.

18h00 : Clôture de la réunion publique.

Intervention de Monsieur ROLANDO, Président du Cercle algérianiste :

Ainsi, mes chers amis, le principe semble désormais acquis, l’idée retenue, la France signera, dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, à l’initiative du Président de la République, un traité d’amitié avec l’Algérie.

Cette annonce, nous le savons tous, a provoqué chez nombre de nos compatriotes, de vives interrogations ainsi qu’une légitime émotion liées non pas tant au principe même de la signature d’un tel traité mais plutôt aux contours qui pourraient être le sien tant en effet l’opacité et le mystère qui ont été entretenus autour de ceux-ci sont grands et ont donc avivé les craintes.

Et cette crainte, que n’est pas apaisée du tout aujourd’hui, loin s’en faut, en l’absence d’ailleurs de toute parole officielle, les échos de la presse tant française qu’algérienne en sont la seule traduction, porte un nom qui résonne pour nous sinistrement vous le savez : c’est la repentance unilatérale.

Alors force est de reconnaître mes chers amis, en effet, qu’en dépit des dénégations affirmées en haut lieu et des propos rassurants, j’ai assisté récemment à une réunion au Quai d’Orsay, sur le fait que la repentance ne saurait être la pierre de soutènement du futur traité, malheureusement la jurisprudence récente ne plaide pas, un tant soit peu, en faveur de cette thèse, et fait que notre scepticisme est loin d’être infondé.

Parce que on peut en juger sur les évènements des derniers mois :

A Sétif, il y a quelques mois, la France, par la voix de son ambassadeur en Algérie, a reconnu la tragédie inexcusable qui s’y est déroulée en 1945, en omettant de souligner le fait générateur de ces dramatiques évènements, à savoir le massacre de plus d’une centaine de nos compatriotes.

L’Algérie d’ailleurs ne s’y est pas trompée, qui a bien cru percevoir dans cet acte, et je reprends les termes : « les frémissements des prémices d’une courageuse reconnaissance par l’Etat Français des atrocités commises en Algérie ».

A Madagascar, quelques semaines plus tard, le Président de la République dénonçait, quant à lui, le caractère inique des répressions engendrées par « les dérives du système colonial », repentance a minima reconnaissaient les observateurs, mais repentance tout de même.

Et puis, comment oublier le lourd silence du chef de l’Etat face aux outrances, aux insultes, aux dérapages renouvelés du Président Algérien BOUTEFLIKA plaçant chaque jour davantage la barre de la provocation toujours plus haute jusqu’à atteindre le sommet de l’ignominie avec son inacceptable comparaison entre la présence française en Algérie et l’occupation nazie.

La seule réponse officielle fut celle de Monsieur MUSELIER, que l’on pourrait qualifier de « Régional de l’étape » déclarant, à Alger, que « chacun s’exprime comme il croit devoir s’exprimer ».
 
Enfin, il est permis de s’interroger sur la réelle volonté du Chef de l’Etat de défendre la loi portant reconnaissance de la Nation en faveur des français rapatriés du 23 février 2005 dont l’abrogation a été exigée, certes par le groupe socialiste, nous en avons parlé, mais aussi vous le savez, au mépris de toutes les règles de non ingérence dans les affaires d’un autre Etat par ce même BOUTEFLIKA.

Cette exigence n’a en effet, rencontré jusqu’alors que la réponse rassurante, par pour nous mais pour Monsieur BOUTEFLIKA, de Monsieur DOUSTE-BLAZY annonçant la création d’une Commission Mixte d’universitaires franco-algériens chargée sans doute, en quelque sorte, de dire la vérité.

Quant au Ministre de l’Education Monsieur de ROBIEN, il s’est contenté de déclarer, il y a quelques jours sur Canal +, que cette loi ne changerait rien pour les manuels scolaires.

C’est bien ce que l’on appelle un faisceau d’indices concordants qui nous porte à penser que le risque existe vraiment.

A cela, nous répondons très simplement que la repentance française, qu’elle soit d’ailleurs unilatérale ou non, ne peut être à notre sens le prélude nécessaire à une véritable amitié avec l’Algérie, qui conditionnerait éventuellement d’ailleurs celle semblable des autorités algériennes.

En effet, chacun sait que si les mauvaises consciences en France sont légions, et d’ailleurs chaque jour se développent, les mauvaises consciences algériennes se sont rarement exprimées, on peut même se demander s’il y en a quelques unes, et que l’on sache aucune tentative de réévaluation de l’histoire officielle algérienne n’a été engagée du côté d’Alger.

Alors si ces mauvaises consciences continuent de proliférer en France, celles de l’Algérie demeurent bien cachées dans l’opacité des discours du parti unique.

Oui, mes chers amis, l’amitié, comme le veut la formule, ne se décrète pas.

Le chemin de la réconciliation entre la France et l’Algérie, que nous appelons de nos vœux, nous ne sommes pas évidemment contre l’amitié entre les peuples, exige le respect mutuel et que chacun accomplisse sa part de vérité.

C’est à cette condition que la France et l’Algérie pourront signer un traité, et qui sera gage d’une réelle et franche amitié.

Et puis, si nous élargissons le champ de notre réflexion, nous pouvons légitimement nous interroger sur la nature profonde de cette amitié aujourd’hui avec le gouvernement algérien.

Etait-ce celle qui consiste depuis plus de 6 mois de dérapages, d’insultes, et d’outrances, à accabler votre ami en le comparant à un occupant nazi, en le traitant de négationniste et de révisionniste ?

Etait-ce celle qui consiste à réaffirmer, comme l’a récemment fait le Ministre de l’Agriculture Algérien, Monsieur BARKAT, que les enfants de Harkis ne seront les bienvenus en Algérie que lorsqu’ils auront dénoncé les crimes de leurs parents ?

Etait-ce celle, encore, qui consiste à refuser toute réconciliation, je reprends la formule, « avec les traîtres, les harkis et les pieds noirs » comme l’a proclamé le Secrétaire Général du FLN ?

Etait-ce, enfin, celle qui consiste à exiger de la France qu’elle reconnaisse selon les paroles du Président BOUTEFLIKA « qu’elle a tué et exterminé de 1830 à 1962 » en faisant de la repentance unilatérale un préalable à tout acte d’amitié ?

Pour nous cela est clair, l’amitié sur ces bases n’a aucun sens, et les conditions, nous l’avons déjà dit, et nous le réaffirmons aujourd’hui, ne sont à l’évidence pas remplies pour la signature d’un tel traité
Alors, s’il y a quand même traité, puisqu’il y a tout à penser qu’il y aura traité, il est non moins clair que nous serons vigilants et exigeants pour que :

– celui-ci ne laisse pas dans l’ombre le drame vécu et les crimes subis par des dizaines de milliers de nos compatriotes harkis qui n’envisageaient d’autre avenir qu’avec la France en laquelle ils avaient confiance et ont payé un lourd tribut à cette fidélité ;

– ce traité ne rejette pas dans l’oubli l’exode de toute une population livrée à la fureur des nouveaux conquérants et les massacres et enlèvements et disparitions de milliers de nos compatriotes.

Si la France s’engageait dans la voie de cette omission, nul doute bien sûr que cela provoquerait une blessure irréparable pour toute notre communauté déjà meurtrie, et résonnerait pour elle comme une insupportable provocation annihilant tous les efforts entrepris pour reconnaître l’oeuvre qui a été la sienne.

Cela aurait aussi pour signification de trahir la mémoire de tous les anciens combattants qui ont fait leur devoir en Algérie, ont servi la France dans l’honneur et pour beaucoup y ont laissé leur vie.

Si la France doit faire un pas supplémentaire en direction de l’Algérie, elle ne saurait le faire sans ignorer toutes les souffrances et toutes les blessures, et sans associer dans le souvenir tous les drames et toutes les victimes.

Le devoir de mémoire et de vérité exige donc, Monsieur le Président, que la France ne se livre pas à un exercice d’auto flagellation supplémentaire car la vérité historique ne peut reposer, nous l’avons déjà dit, sur une vision hémiplégique de l’histoire.

La France et les Français d’Algérie qui ont fait par milliers le sacrifice de leur vie pour contribuer au développement d’un pays auquel ils étaient charnellement attachés, n’ont pas à rougir, et nous le réaffirmons aujourd’hui, cela a été la ligne directrice de ce que nous avons évoqué ce matin, de l’oeuvre accomplie outre-mer.

C’est la raison pour laquelle, m’adressant au Président de la République très humblement, nous ne pouvons que l’inviter, au moment où il va apposer sa signature dans quelques jours, dans quelques semaines, au bas de ce traité, à s’inspirer de ces quelques mots, de ces quelques phrases que je vous livre :

« Pacification, mise en valeur des territoires, diffusion de l’enseignement, fondation d’une médecine moderne, création d’institutions administratives et juridiques, voilà autant de traces de cette oeuvre incontestable à laquelle la présence française a contribué (…) Traces matérielles, certes, mais aussi apport intellectuel, spirituel, culturel (…) Aussi, après le retour en Métropole de ces Français, il convient de rappeler l’importance et la richesse de l’oeuvre que la France a accomplie là bas et dont elle est fière (…) Les uns et les autres ont mérité les honneurs de la Mémoire ».

Nous sommes convaincus Monsieur le Président de la République que vous ne sauriez les renier puisqu’elles furent prononcées par un certain Jacques CHIRAC le 11 novembre 1996.

Si tel n’était pas le cas, nous n’aurions d’autre ressource, et j’en prends à témoin bien sûr les nombreux présidents présents dans cette salle, que d’exercer le moment venu notre devoir de mémoire.
 
Merci de votre attention.

Réponse de Monsieur Emmanuel CHARRON, Président de la Mission Interministérielle aux Rapatriés :

Madame le Maire, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

Je tiens tout d’abord à vous remercier, Monsieur ROLANDO Président du Cercle Algérianiste, à remercier les responsables du Cercle Algérianiste de Marseille, pour l’organisation de cette réunion, qui va me permettre effectivement de répondre à un certain nombres d’interrogations, et je vous remercie. Vous le savez, nous avons l’habitude de ces dialogues maintenant depuis un certain temps, de vous répondre très librement très simplement et très franchement.

Avant de le faire, je voudrais également féliciter très sincèrement les lauréats des prix du Cercle Algérianiste 2005, Mademoiselle Laure MAURICE, et j’étais heureux d’assister à la remise du prix qui lui a été remis en ce début d’après-midi, et Messieurs DIMECH, DEMARQUE et JARRIGE, qui ont reçu leur prix ce matin.

Depuis le début de cet après-midi, et puis durant les discussions que j’ai pu avoir en arrivant ce matin, je vous ai entendus exprimer de façon souvent très passionnée, et toujours évidemment passionnante, vos attentes, vos craintes et vos espoirs sur la façon dont notre société, dont les pouvoirs publics regardent aujourd’hui l’oeuvre accomplie par nos anciens et par vous mêmes outre-mer.

A bien des égards, je partage vos sentiments. Je les partage d’autant plus, et c’est peut-être un des sujets sur lequel je souhaite revenir précisément, que depuis trois ans, les pouvoirs publics ont eu à coeur de répondre à ces attentes. Quand le parlement, dès l’article premier de la loi du 23 février 2005 exprime la reconnaissance de la nation aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Indochine, dans tous les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française, quand le parlement proclame solennellement cette reconnaissance pour la première fois au fronton de la République, qu’il apporte une première réponse, pas une réponse sur les « on-dit », mais une réponse concrète gravée au fronton de la République, une réponse concrète à ces attentes, à ces espoirs, j’allais dire qu’il pose la pierre angulaire de cette politique de mémoire, c’est sur les textes votés qu’il faut regarder les choses, c’est sur cet article premier de la loi du 23 février 2005 qu’il faut apprécier la volonté actuelle des pouvoirs publics.

Vous me permettrez d’ailleurs de rendre aujourd’hui, c’est une sorte de « Régional de l’étape » aussi, un hommage reconnaissant à Christian KERT, rapporteur de la loi MEKACHERA à l’Assemblée Nationale pour son rôle irremplaçable de défense de la mémoire et de l’honneur des Français d’Outre-Mer.

Oui, notre Pays est fier et doit être fier de l’oeuvre accomplie Outre-Mer. Le parlement, sur la proposition du gouvernement, l’a clairement, et sans aucune ambiguïté, proclamé et dit le 23 février dernier. Le texte est là, il est sans ambiguïté. Au-delà de cette pierre angulaire, que constitue la loi, plusieurs initiatives majeures ont été mises en oeuvre depuis trois ans. Je ne vais pas me livrer à un catalogue complet de toutes ces mesures, que nombre d’entre vous connaissent bien. Mais je veux tout de même rappeler que c’est le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN qui a décidé d’officialiser la date du 5 décembre comme journée d’hommage aux soldats morts pour la France durant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de Tunisie, brisant net toute polémique sur ce sujet, et vous savez que les polémiques sur ce sujet existaient depuis longtemps.

Le 25 septembre, Monsieur le Président vous évoquiez la mémoire due aux harkis, le 25 septembre est devenue la journée d’hommage national aux anciens harkis et combattants des forces supplétives, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République. Cette mémoire est due à tous les combattants qui ont choisi la France, qui ont défendu notre drapeau, et cette mémoire, elle est désormais elle aussi gravée dans le marbre des textes républicains. Je reviendrai plus longuement dans un instant sur la participation de l’Etat au Mémorial National de la France d’Outre-Mer, et j’ai bien entendu ce que vous avez dit Madame, ce que vous avez dit Monsieur le Président. Je veux tout de suite effectivement, cela a été évoqué également dans le film que nous avons vu, rappeler que c’est un projet ancien, qui n’avait guère avancé depuis vingt ans, et que sa réalisation répond à une revendication maintes fois exprimée. Dans le domaine de la mémoire, nous attendons aussi beaucoup de la création de la fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie des combats du Maroc et de la Tunisie, dont la création a été voulue par les parlementaires, et qui elle aussi figure dans le texte de la loi du 23 février 2005.

Au total, si un bref instant je regarde dans le rétroviseur de l’action accomplie entre 2002 et 2005, et que je compare ce qui a été fait avec les engagements pris durant la campagne présidentielle, je constate que ces engagements ont tous été tenus et même au-delà. Et c’est une bonne chose qu’en trois ans ces engagements aient été tenus, car cela signifie que nous disposons maintenant d’une nouvelle période pour poursuivre le travail accompli et pour consolider et ouvrir de nouvelles perspectives. Aujourd’hui en effet, et je reprends ce qu’a dit le Président ROLANDO, nous sommes à la croisée des chemins, et l’actualité nous donne des exemples très précis des enjeux de la mémoire pour notre cohésion nationale.

Nos difficultés aujourd’hui, les difficultés de la France sont certes de natures économique et sociale, elles sont aussi et peut-être surtout liées aux difficultés qu’a notre creuset républicain à fonctionner comme il fonctionnait encore il y a quelques décennies. L’enjeu de la politique de mémoire est là : faire en sorte que la France, notre Pays, avec ses valeurs, avec ses atouts puisse continuer pour nos enfants et petits enfants d’être un modèle inépuisable de vie de bonheur et de fierté.

Je sais, je vous ai effectivement entendu vous exprimer sur le sujet à de nombreuses reprises Monsieur le Président, que des inquiétudes fortes s’expriment quand au projet de traité franco-algérien. Sous la présidence de Monsieur Alain GEHIN, nouveau président du Haut Conseil des Rapatriés dont je suis heureux de saluer la présence aujourd’hui à cette réunion, alors qu’il vient tout juste d’être nommé à la présidence de ce haut conseil, sous sa présidence donc, une délégation du HCR a été reçue très récemment, à ma demande, au ministère des affaires étrangères pour évoquer ces inquiétudes. Je veux vous redire aujourd’hui très précisément et très solennellement, ce que déclaraient avec l’autorité qui s’attache à leur fonction les diplomates lors de cette réunion, l’objet de ce traité est de créer un cadre institutionnel pour le développement des relations entre la France et l’Algérie. Le traité d’amitié ne sera en aucun cas un acte de repentance.

Nous veillerons à ce que ce traité se mette en place dans le cadre d’un équilibre, de la dignité, de l’ouverture, et du respect, du respect mutuel. Le travail de mémoire ne doit pas être pollué par des querelles sans fondement, ni par une propension à la repentance convulsive. C’est avec une mémoire lucide que nous devons certes reconnaître les parts d’ombre que la présence française en Algérie a pu avoir comme toute oeuvre humaine, mais aussi et avec fierté leur part de lumière. C’est le respect d’un passé commun assumé avec ses ombres et ses lumières qui peut et qui doit fonder durablement la relation avec l’Algérie. Pour cela, nous devons faire preuve d’une vraie vigilance.

Cette vigilance, nous l’avons déjà assumée s’agissant du mémorial. Je le disais, ce projet ancien n’a pu se mettre en place que grâce à la mairie de Marseille et à son maire Jean-Claude GAUDIN. Cet après-midi, j’ai entendu les inquiétudes que vous avez exprimées sur les conditions dans lesquelles à un moment donné le travail avait été effectué. Je peux vous dire que sous l’impulsion du gouvernement et je rappelle que la Mission Interministérielle aux rapatriés est rattachée directement à Dominique DE VILLEPIN premier ministre qui attache une importance majeure à ces questions.

Sous l’impulsion du gouvernement donc, des historiens désignés par l’Etat participent désormais aux travaux du Conseil Scientifique. Ils y participent pour analyser, pour proposer, pour veiller à ce que la présentation des textes notamment ceux qui concernent l’Algérie ne comprennent pas de contre-vérités ou de termes ambigus. Et vous me permettrez de reprendre un exemple très concret puisque j’ai l’impression que vous avez du mal à être convaincus…, je suis heureux de voir que vous me suivez. Eh bien je vais vous donner un exemple concret qui a été cité par Madame JOYAUX tout à l’heure. L’exemple du terme « spoliation ». Effectivement, à un moment donné, certaines personnes du Conseil Scientifique ont souhaité que ce terme soit employé. Eh bien moi, je peux vous dire que le président de la Mission Interministérielle aux rapatriés, c’est à dire moi, a appelé le Maire de Marseille, et le Maire de Marseille a partagé évidemment la réaction que j’avais et je peux vous dire que sous l’impulsion de Madame MOLL sous l’impulsion de l’Etat et avec le Maire de Marseille, ce terme a été évidemment enlevé des textes concernant l’Algérie. Voilà un exemple concret. Moi, vous savez, je comprends parfaitement les inquiétudes telles qu’elles s’expriment, je les comprends, je les partage souvent, sachez que lorsque vous avez des inquiétudes, vous avez des relais qui peuvent les exprimer, nous les écoutons, nous faisons en sorte d’y répondre. Voilà un exemple concret, un exemple sur lequel je peux vous dire que la vigilance de l’Etat et de la Mairie de Marseille n’a pas été prise en défaut, parce que effectivement il y avait des choses qui n’étaient pas acceptables.

[ Doutes dans l’auditoire ]

Eh bien écoutez, si vous n’en croyez rien, moi que puis-je vous dire ? Même Saint THOMAS en voyant les plaies a vu et a cru, alors si quand on vous donne des exemples concrets vous n’y croyez pas, là effectivement c’est un peu compliqué. Donc la volonté de l’Etat, elle est partagée, elle est clairement affirmée. Elle est partagée par le Maire de Marseille et par son adjointe Madame Solange MOLL, qui le représente aujourd’hui et dont je salue la présence, ainsi que l’action efficace et vigilante en faveur des rapatriés. Pour ma part, vous pouvez compter sur ma ferme et tranquille détermination pour que à aucun moment la vérité historique ne soit occultée. La mémoire, je l’ai dit, est aujourd’hui un enjeu fondamental.

Avec la création du mémorial à Marseille, avec le projet de création d’une fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie du combat du Maroc et de Tunisie, avec les dispositions prises pour la mise en oeuvre de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, nous avons de nombreux et ambitieux chantiers à mettre en oeuvre. Pour reprendre une récente expression utilisée dans le Figaro Littéraire par Max GALLO, il nous appartient aujourd’hui de lutter contre les manipulateurs de la culpabilité collective, l’histoire n’a pas à opposer une mémoire à une autre, mais à les rassembler pour pouvoir appréhender une période donnée.

Question posée par l’auditoire : « Et les disparus ? »

Nous en parlerons si vous le souhaitez aussi.

Dans ce même article du Figaro Littéraire était citée une phrase de Camus qui était également citée dans le film : « Il me paraît dégoûtant de battre sa coulpe comme nos juges pénitents sur la poitrine d’autrui. Il est bon que notre nation soit assez forte de tradition et d’honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs. Mais elle ne doit pas oublier les raisons qu’elle a encore de s’estimer elle-même. Il est dangereux de lui demander de s’avouer seule coupable, et de la vouer à une repentance perpétuelle ».

Ce soir, je le sais ici, nous avons tous la même force de conviction. Celles de Français fiers de leur drapeau et de la République. Et eux-mêmes témoins acteurs bâtisseurs suffisamment forts pour avoir conscience que leur histoire collective n’est pas exempte de fautes mais suffisamment conscients de ce qu’ils doivent à leurs aïeux pour leurs rendre hommage et les donner en exemple à leurs enfants.

Je vous remercie.